Chroniques d’HP II
J0
La nuit me fuit, le sommeil m’oppresse comme une urgence
Je serai forte
J1
Ce que coûtent quelques marches à gravir, une porte à franchir
en apnée
Qui saurait dire le prix du courage de vivre encore mais d’en souffrir toujours
Tout ici m’agresse viscéralement et entre en antagonisme brutal avec mon épiderme même.
Ma vue, mon odorat, s’affolent de façon animale et cherchent une porte de sortie, de survie
Une bouffée d’air froid, un morceau de ciel pastel
uni
Un endroit pur
non vicié par ces pensées qui parasitent les couloirs familiers et trouvent un miroir en mon propre cerveau
Ce cerveau qui rétrécit
s’enfonce et se fond en lui-même comme un fœtus difforme régresse embryon maladroit et silencieusement mourant
Ainsi, dépossédée de mon unicité, dépersonnalisée, pliée, soumise
derrière des fenêtres résolument scellées
je commence à oublier qui je suis pour obéir à des règles visant à protéger le monde et moi
de moi.
C’est mon armure qui s’effondre, ma bulle qui éclate et déverse en en pluie incontrôlable les larmes de décembre
J2
J’ai mal aux yeux
Vos regards désinhibés me donnent la nausée
J’échange ma dose de confiture contre un peu d’intimité, une douche seule avec moi-même, une porte close
un volet laissant passer un rayon de lune
Je n’arrive pas à réfléchir
Pour une raison qui m’échappe quelqu’un a décidé que je devais dormir vingt heures par jour
Dormir, manger hébétée, avaler des pilules, dormir encore
Je perds le sens du temps
J4 ou 5, je ne sais plus
Que l’on m’achève la prochaine fois que je donnerai mon accord pour venir pleurer toutes les larmes de mon corps en cet endroit d’où le mot dignité a été banni
Seules les âmes qui y rayonnent sont aussi perdues que moi
Je n’arrive plus à lire, ne parlons pas d’écrire
Je ne sais pas pourquoi mes yeux sont si brûlants, j’ai l’impression qu’ils vont se liquéfier et fondre le long de mes joues
Inopinément je pense à Stephen King : » Les monstres existent mais pas sous notre lit, ici et maintenant c’est le lieu où ils se réveillent et se rient de ma souffrance «
Ici et maintenant
ils s’apprêtent à me dévorer lentement, très lentement.
J indéterminé
Je ne sais même plus très bien ce que je fais là, j’apprends à ne pas parler à tout le monde
J’ai toujours des problèmes avec certains membres du personnel
Dans ma position actuelle je ne suis qu’une proie comme les autres, un esprit brisé
facile à maintenir sous le joug de ceux qui ne méritent pas cette profession
Toujours est-il que le temps s’éternise
Il fouette ma raison vacillante d’une terrible notion d’éternité
Il faudra bien que l’on me laisse sortir, je fonctionnerai selon les normes et plaquerai un sourire convaincant sur mes lèvres
Je sais faire ça
Je voudrais ne plus entendre les pas lourds qui parcourent le couloir sans relâche, creusant ce sillon sale sur leur passage
J indéterminé
Je ne sais plus bien depuis combien de temps je suis ici, mon regard heurte les mêmes murs tous les jours
Je ne sais plus trop pourquoi non plus, à quel dénouement magique m’attendais-je ?
Quelle dose d’espoir dans une âme humaine avant qu’elle ne comprenne enfin ?
Quel est donc leur jeu, les règles m’échappent, la tête me tourne et je ne vais nulle part
Rendez-moi mon âme et laissez-moi partir.
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