Lettre ouverte – chroniques bipolaires
J’ai survécu à la lune de toutes les moissons
Je ne porterai plus le masque qui vous console
et m’étouffe
Je pense à vous
souvent
Mes amours que ne s’affaisse pas
ma nuit sur vos épaules
Tandis que l’esprit s’enlise, mon corps renonce à cette lutte immuable
J’habite cette déchirure sans nom
Je ne sais plus vivre votre monde
et votre évidence signe ma désespérance
J’ai quitté pour toujours l’odeur du bitume brûlant
des voyages vers vous
Les rires qui se veulent rassurants
leur élan
qui confortent votre chemin imperturbable
À mes dépends
Que l’on me pardonne
Je prends la douleur au corps
la raison qui s’oublie dans sa propre fracture
et renonce à l’existence mutilée
que je ne veux plus goûter
Que l’on me pardonne
de dépérir à trop vouloir vivre une vie comme la vôtre
et de n’avoir mal que de moi
Mais tant
et tant
Laissez que cette fêlure en mon âme
qui s’éblouit dangereusement de votre lumière
vous éloigne de ma vie
Ma vie incompréhensible
qui gifle en silence toute tentative de sourire
Qu’on me laisse à ma solitude
solidaire
de l’implacable ténacité de mon pas
chancelant, je sais
Je
sais
J’ai perdu le compte de mes blessures
Je n’arriverai pas au bout du destin que vous avez tressé pour moi
et la chanson qui me porte ne sera jamais chantée
Tout griffe mon esprit vacillant et l’affaiblit tout autant
Le temps le temps le temps est
une urgence
voir s’épanouir la vie de mon enfant
Un endroit différent du vôtre
d’où s’effacent les ombres furtives des souvenirs de nous
Ce qu’il vous en aura fallu pour m’abandonner à mes instables marées
se mêle à
ma sempiternelle convalescence
mouvance indéfectible
Ce qu’il m’aura fallu pour vivre seule ce carnage
Multitudes de naufrages
vomissures de haillons rescapés venant draper de deuil mes dépouilles d’insolente dignité
Ce qu’il m’aura fallu pour renaître de mes chutes
et les choses qu’il faut perdre pour apprendre à renoncer
celles qu’il faut vivre pour avoir le droit d’en rire
Puisque je ne vis plus que dans cette inquiétude
à l’affût des démons qui guettent et se bâfrent de cette erreur de l’âme
Puisque rien n’existe vraiment en dehors des éclats de tourmente des poisons las qui me retiennent
et me tuent
Permettez
Je vous libère
de mon impudeur, l’inconfort de mon ivresse bavarde
de mes sombres silences, mon absence distraite
ma lenteur fatiguée et douloureuse
Qui trébuchent sur vos vies vibrantes
Je vous libère, allez
Laissez que j’embrasse les parenthèses de mon temps fantôme retrouvé
Mes amours
sans crainte
sans ressentiments
laissez-moi mourir à votre monde bruyant et coloré
Il m’épuise
Mourir à moi
Purge nécessaire à toutes mes erreurs et mes faux pas
J’irai vivre ailleurs
Dans un ruisseau à la menthe
Le silence d’une prière
païenne
Une île turquoise qui repose dans la solitude d’un océan ombrageux
Loin
Loin
Pour le chant d’amour d’un écureuil
L’appel envoûtant des loups au crépuscule
de mon printemps
Dans le bruissement de mon chêne
peut-être
épousant ses racines
Sourde à la frénésie des voix qui font mal
j’irai vivre ailleurs
Sans plus vous salir
de l’odeur douce-amère de mes humeurs malades
absurdes
qui vous écœurent
Réveillent vos peurs enfouies
et les monstres qui attendent la nuit sous vos lits d’enfants apeurés
Loin, tout est bien
lisse
Mes anges précieux
j’irai vivre loin
Sachez pardonner ce que votre raison ne peut concevoir
L’invisible à vos cœurs
sont les chaînes qui me cassent.
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